Si la prévalence de la basse-vision (aussi appelée déficience visuelle) est quasiment équivalente à celle de la déficience auditive, il n’en demeure pas moins que les différentes causes de malvoyances, leur conséquence sur la vie quotidienne, les remédiations existantes sont encore beaucoup moins bien connues des Français et des patients eux-mêmes et surtout beaucoup moins compensée que la malentendance. Cet article se propose de faire le point sur la définition de la basse-vision à destination des professionnels de l’accompagnement, des aidants professionnels et familiaux, et des individus eux-mêmes touchées par la basse-vision pour aider à “y voir clair” et s’y repérer dans l’écosystème des professionnels et des enjeux d’accompagnement. La basse-vision : causes, démographie, mesure, empêchements. La basse vision : causes et démographie Le rapport de la Société Française d’Ophtalmologie consacrée aux déficiences visuelles dirigé par le Professeur Pierre-Yves Robert et publié en 2017, évoque le chiffre de 223 millions de personnes en déficit visuel, ce chiffre étant en augmentation de 10% depuis 1990. L’Europe occidentale néanmoins, du fait des progrès de la technique chirurgicale, des techniques médicamenteuses, des détections précoces de malformation congénitale connaît une tendance contraire avec -16% dans le nombre de déficients visuels constatés entre 1990 et 2010. Cécité* Déficience visuelle** 1990 2010 Changement 1990 2010 Changement Monde Nombre 31 815 900 32 410 560 +2% 204 028 800 223 752 750 +10% Prévalence brute 0.6% 0.5% -22% 3.8% 3.2% -16% Europe occidentale Nombre 1 179 358 956 549 -19% 9 708 412 8 446 803 -13% Prévalence brute 0.3% 0.2% -26% 2.5% 2.0% -21% * Acuité visuelle < 1/20 avec la correction habituellement portée.** Acuité visuelle < 3/10 avec la correction habituellement portée. Source : Rapport déficiences Visuelles, SFO, 2017 L’Europe occidentale ne compte donc “que” 8,5 millions de personnes en situation de déficience visuelle, ce qui signifie que la majorité des malvoyants et non-voyants sont concentrés dans le reste du monde. Le rapport liste pas moins de 267 causes différentes de pathologies visuelles. Néanmoins, 6 grandes pathologies comptent pour plus de 50% des atteintes: la cataracte, la rétinopathie diabétique, la dégénérescence maculaire, le glaucome, et le trachome, les amétropies non corrigées. En Europe occidentale comme dans le reste du monde, les amétropies non corrigées arrivent en tête des causes de déficience visuelle. Si la cataracte est la troisième cause la plus répandue en Europe occidentale, elle est la deuxième dans le reste du monde, essentiellement du fait d’un déficit d’accès à des corrections optiques ou corrections réfractives bien financées dans les pays en développement. En tout état de cause, cela veut dire qu’une correction oculaire peut parfois résoudre une amétropie. Beaucoup de personnes âgées néanmoins ne s’engagent pas dans une démarche de correction oculaire, ce qui s’assimile à du renoncement aux soins (près de 40 % des personnes âgées de 78 ans et plus ne portent pas de lunettes adaptées d’après le site handiconnect.fr). On note l’importance de la catégorie “Autres causes” dans le tableau ci-après qui rentre dans la catégorie de toutes les autres pathologies, génétiques ou non, généralement assez rares et très diversifiées. On peut, par exemple, citer l’albinisme oculaire, la rétinite pigmentaire, les troubles neuro-visuels suite à un accident vasculaire cérébral, l’aniridie ou les pathologies de l’iris, dont la prévalence dans la population est beaucoup plus faible. Extrait du tableau 1-5 + Principales causes de cécité et de déficience visuelle dans le monde et en Europe occidentale : prévalence standardisée sur l’âge (adultes de 50 ans et plus). Changements entre 1990 et 2010. Cataracte Rétinopathie diabé ligue Dégénérescence maculaire Autres causes ûlaucome Amétropies non corrigées Trachome Europe occidentale Cécité – 1990 0,1 % 0,0 % 0,1 % 0,3 % 0,1 % 0,1 % 0,0 % – 2010 0,1 % 0,0 % 0,1 % 0,2 % 0,0 % 0,1 % 0,0 % – Changement – 60 % -44 % -47 % – 37 % -37 % – 44 % – Déficience visuelle – 1990 1.5 % 0,2 % 0,4 % 1.3 % 0,2 % 2,7 % 0,0 % – 2010 0,5 % 0,1 % 0,2 % 1,1 % 0,2 % 1,7 % 0,0 % – Changement – 64 % -24 % -30 % – 16 % – 18 % – 35 % Source : Rapport Déficiences Visuelles, SFO, 2017 Les progrès de la médecine en Europe occidentale entre 1990 et 2010 sont substantiels, à l’exception de la catégorie “autre causes” pour laquelle les progrès de réduction de la prévalence dans la population sont plus limités. En cause, des pathologies très diversifiées, des maladies rares, donc des moyens et des cohortes de populations de tests plus réduits. En France, près de 1,7 million de personnes sont encore atteintes d’une limitation visuelle invalidante ou handicapante au quotidien. Ce chiffre se décompose entre 207 000 aveugles (pas de perception de la lumière) et malvoyants profonds (vision résiduelle limitée à la distinction de silhouettes) et 932 000 malvoyants moyens (incapacité visuelle sévère : en vision de loin, ils ne peuvent distinguer un visage à 4 mètres ; en vision de près, la lecture est impossible). La différence entre basse-vision et déficience visuelle est généralement entendue comme une différence de stade : la basse vision désignant une déficience visuelle persistante malgré une correction par des lunettes ou lentilles de contact, tandis que la déficience visuelle correspond au stade final d’une atteinte oculaire bilatérale “quand les ressources thérapeutiques, médicales ou chirurgicales” ont été épuisées. Source : handiconnect.fr, 4 février 2022 Les personnes de plus de 50 ans sont majoritairement touchées et la prévalence augmente fortement avec l’âge. 60% sont âgés de 60 ans et plus et 40% sont âgées de 75 ans et plus. Basse-vision : une mesure standard qui ne dit pas tout des empêchements L’OMS décrit cinq stades de déficience visuelle, allant de la cécité totale à la vision presque normale. La cécité absolue correspond à l’absence de perception de la lumière. La déficience presque totale, ou cécité sévère, est définie par une acuité visuelle inférieure à 1/50 (ou comptage des doigts à